Le pas est ferme. Le regard froid et impénétrable, Rouge s'avance au coeur des ruelles pourrissantes et sales. Ruelles gémissantes, implorant une once de pitié. Labyrinthe de paille usée, de chaume délabrée et de pavés souillés. Les artères de Maria, était-ce donc la volonté d'une déesse d'être représentée ainsi ? Rouge lève le pied de justesse, le rat se faufile sous sa semmelle et rejoint son trou. Un cri lui perce le tympan. Un gamin affamé, une femme battue. Tout ça n'a pas d'importance, les vices de l'humanité ne l'impressionne plus.

La terre se couvre d'une douce couleur orangée, le soleil déploit son voile sur les maisonnettes déjà éveillées. Elle plante ses pieds dans la boue, prenant le temps d'observer l'astre escalader l'ultime mur. Combien de temps tiendraient-ils ?

Une petite main l'interrompt, une gosse tire une manche de son uniforme. Elle ne daigne même pas le regarder, les mendiants courent les rues mais secourir la veuve et l'orphelin ne font pas parti de ses plans. Alors elle reprend sa marche sévère, laissant derrière elle la petite fille en larmes. Où étaient-ces divinités et ces héros quand la population a besoin d'eux ?

Des voix s'élèvent derrière la jeune officière.

- Bénis sois les Trois.

A ces quelques mots, le coeur de Rouge se serre. La gangrène se rapproche. La populasse leur répond, moutons abrutis par les belles paroles de la Haute. Rouge ne comprend cette soumission, ces gens ne récoltent que pauvreté et malheurs, pourtant ils continuent de se plier aux ordres sans tenter de faire changer les choses. Des lâches.

Elle observe la foule enchainer courbettes et prières face aux quelques religieux. Les joues rougis par l'orgueil, ils ne lui inspirent rien de divin. Leur vue ne lui provoque que des nausées et du dégoût, un constant rappel à cette mère poussée à la mort.

Vient alors le moment où les visages de la pauvreté se teintent d'anxiété et d'embarras. La récolte des dons. Rouge s'appuie contre le mur d'une maisonnette, croisant les bras sous sa poitrine, elle attend de voir ce que vaut cette religion qui fait vibrer l'humanité.

Si une grande majorité du groupe effectue le don sans rechigner, un homme s'agenouille dans la boue et implore le pardon des divinités car il ne possède rien à offrir. Un sourire malsain étire alors les lèvres des quelques religieux.

- N'as-tu donc pas une fille ?

Le pauvre homme lève un visage paniqué envers ses interlocuteurs puis détourne le regard sur une gamine d'à peine sept printemps.

- Elle est mon unique famille, je vous en prie.

Rouge parvient à discerner quelques larmes de désespoir rouler le long des joues sales de l'homme. La foule assiste à ce spectacle, les murmures se font de plus en plus forts. Ils s'agitent, réagiraient-ils enfin ?

- Montre ta soumission quand tu t'adresses aux représentants des Trois !

Sur ces mots, le religieux enfonce brutalement le visage de sa victime dans la boue tandis qu'un de ses compagnons agrippe la fillette.

- Nous en ferons une parfaite priesterin, elle oubliera tout de la vie misérable que tu lui as offert.

Une femme ose crier son désaccord mais son mari s'empresse de lui couvrir la bouche, les mots sont sortis et l'effet de groupe se déclenche. Opposant religieux aux protestataires. Une rixe dont on connait déjà le gagnant, les punitions se feront sévères.

Rouge la passive, elle observe les coups partirent et écoute les cris de désaccords. Mais un gosse lui demande de l'aide, lui rappelant son uniforme et ses devoirs. Elle soupire, contrainte d'intervenir dans des affaires qui ne la regardent pas. Où étaient donc les autres soldats ?

Elle remonte ses manches s'apprêtant à attraper un adolescent ruant des coups mais quelqu'un fut plus rapide. Elle interrompt donc son geste et lève les yeux vers l'inconnu.