les lueurs mielleuses de l'astre doré serpentant la peau, tachetant de rousseurs les environs, il semblait que toute la forêt riait...tournoyait, souriante dans son immensité, dans sa fécondité, telle une mère amoureuse de sa maternité. des rondeurs de sentiments s'évanouissant entre les roucoulements des oiseaux, les chants aériens des ailes battantes, les chuchotements des insectes et les craquements des bois...ils avaient une vie propre, comme une créature géante à elle-seule, un titan à la bonté inébranlable, les bois respiraient...racontaient, macrocosme de l'univers, des histoires mystérieuses, d'obscurs prières et des romances oubliées.
vert et châtain, d'éclats et d'ambre s'était-elle revêtu, cette forêt enchanteresse, nimbée de féerie, de magie existentielle que l'on ne pouvait que sentir...jamais penser. il était interdit de penser en ces lieux, d'user d'une logique meurtrière, d'une froide raison, de calculs arrogants et philosophie ambitieuse...il suffisait de ressentir. la douce brise relevant les poils du corps, caressant les cils et attirant avec elle des millions d'odeurs. il suffisait seulement de ressentir.
de vivre.
alors delilah courrait, comme décuplée de sa force et de son agilité, courrait, sautant au-dessus des embûches, emportée par une rapidité qu'elle n'arrivait pas réellement à doser...le contrôle s'évaporait, elle voulait en pleurer de cette fougueuse liberté. de cette candeur ensorcelante, qu'on avait envie de croquer pour s'abreuver du jus de l'insouciance, de l'audace de l'innocence.
elle fleurissait parmi le paysage, se fondant dans l’envoûtement des nymphes boisées, de celles qui ricanaient près des fleuves tressant leurs nattes verdâtres, celles qui se cachaient derrière des troncs, leurs robes s'imprégnant de l'écorce, leurs doigts s'agrippant à la rigidité d'un arbre, celles qui valsaient, leurs pétales s'illuminant sous le soleil, en groupe dans un adorable rituel. elle fleurissait, delilah, appartenait à cette atmosphère.
biche, victime de ses prières, animal était-elle, le petit cœur tremblotant dans son poitrail, ses narines frémissant aux moindres parfums, son instinct susurrant les mystiques lois et vérités de l'univers.
et elle courrait, de ses sabots trinquant contre la terre, de ses pieds dénudés déchirés par les pierres. d'un arbre à un autre se transmutant tantôt en gente dame, tantôt en délicate bête à l'écho effréné des tambours cabalistiques.