C'était forcément une mauvaise idée.
C'est ce qu'il se répétait Jin, alors que son regard se posait sur Rell et son visage concerné, ces rides au coin des lèvres qui masquaient avec peine sa contrariété. Sans doute aurait-il préféré que Jin ne participe pas au tournoi des trois déesses - mais la récompense était trop belle pour songer à s'en passer.

▬ Tu sais, t'es pas obligé de faire ça.

Y'avait du scepticisme dans sa voix à Jin.
Y'avait un désir sous jacent de ne pas se retrouver dans cette situation précise.
Qui saurait dire ce qu'il advient lorsque deux gamins en viennent à exprimer le langage de leurs poings? Parce que c'est ce qu'ils avaient toujours lorsqu'il s'agissait de confrontation physique: des gamins. Des mômes à la maturité bancale qui recherchaient que la victoire et l'obtention d'une gloire éphémère et le plaisir artificielle d'affirmer haut et fort: J"suis meilleur que toi. C'était amusant, la plupart du temps, des plaisanteries bonnes enfants. Mais depuis quelques jours, il y avait autres choses. Des bris de sentiments soigneusement tût et des contours de sentiments délavés que l'éconduit s'efforçait de ravaler.

▬ Enfin moi tu sais, je dis ça pour toi, je ne voudrais pas que notre altesse se casse un doigt.

C'était plus fort que lui, alors qu'il s'étirait en souriant en coin - cet insupportable petit sourire qui faisait pétiller ses iris. Parce qu'il valait mieux en rire, des coeurs dévastés, de peur qu'ils ne viennent tout raturer.

— J'ne suis pas obligé, mais je le ferai.

Et y avait un rire qui retentissait du plus profond de ses entrailles; l’envie fracassante de toujours vouloir aller à contre-courant malgré les avertissements, de forcer la réconciliation alors qu’ils étaient encore morcelés, réduits à des bouts de miroirs éparpillés; de frôler l’ambiguïté, comme ce matin-là entre leur baiser incontrôlé et ses désirs inavoués. Je crois que je t’aime. Un à un les pensées remontent à la surface, entre jamais et sûrement, peut-être et maintenant.

— Parce que c'est toi.

Toi, toi, toi. Qui revenait sans cesse comme un terrible maléfice; Jin qui revenait sur ses longues syllabes et à chaque rature de ses maux, jin qui devenait presque une banalité  avec ses sourires désolés et ses sentiments  brisés . Jin il était devenu son Fantôme singulier, celui qui a conquis ses espoirs et les détours de sa conscience-culpabilité; à s’ancrer sinueusement dans ses mots et ses vulnérabilités, jusqu'à exorciser ses derniers démons désormais qu’ils portaient tous son nom.

— me casser un doigt? c’est toi qui t’es fracassé contre le sol pas moi

Les iris contemplant le ciel de branches; du bout du doigt il pointe l’endroit où se situait sa blessure avant de cacher son anticipation derrière une légère provocation et un rictus mesuré alors qu'il s'appliquait à se préparer à l'affronter.

— si tu me penses aussi frêle Jin, tu n’as qu'à le prouver ici et tenter d’m’en casser un.  

Pourtant, ça n'avait rien à voir avec lui.
Juste un entrainement d'usage avec le tournoi à venir, un besoin de se rassurer sur ses capacités et son aptitude à le supporter la journée. Avec Rell. Rell à qui il vouait une confiance aveugle. Rell qu'il s'était toujours promis de préservé de ses sentiments esseulés et de son éternelle culpabilité.

▬ Ca c'est parce que j'essayais d'atteindre les nuages là où tout le monde s'obstine à rester à terre.

Simple bravade criante de vérité, enfant comète qui n'était jamais parvenu à garder les pieds sur terre. Comment l'aurait-il put? Lorsque la vie elle même lui tendait la première perche, invitation silencieuse à tous les excès. Il volait au coeur de nuage Jin, à chaque expédition, à chaque permission. Il n'aimait qu'au regard des évasions qu'elle lui apportait, les immensités dénudés et leurs étourdissant sommets.

▬ Je m'en voudrais de te priver de ta main droite Edahn.

Mais il souriait Jin, se plaçant sa garde en attendant que Rell en face de même - il y a de cela bien longtemps qu'ils n'avaient pas fait de duel. Et il s'élance le premier usant de sa rapidité pour se rapprocher et porter le premier coup à son flanc exposé.

Rien ne pouvait être lié. rien n’avait eu de rapport avec eux. La tension, les sourires brisés, les accolades, les regards baissés. Ils s’étaient expliqués, jurés de retourner à leur stade de moitié et de cet autre dont ils ne pourraient se passer; sans les baisers, sans les ambiguïtés, promis, juré, Rell avait juré ne pas l’aimer; Jin de ne pas être tant que ça blessé. Mais était-ce vrai? était-ce aussi clair que ce regard qu’il lui adressait à lui et lui seul? Cette douce provocation le long de ses iris qui embrassait son courage sans limite; cette cruelle insolence qui hantait ses angoisses-agonies?

Inspiration lourde, il tape le bout de sa semelle contre la terre dans un long soupir avant de relever son visage face au sien.

— depuis quand c’est devenu une obstination chez toi de me contredire Akhan?

Jin, il avait les yeux océans dans lesquels il pourrait se noyer, la peau dorée contre laquelle il pouvait se reposer, le parfum de foyer contre lequel il aspirait à chaque soir de retourner.

— j’ai toujours rêvé d’être ambidextre.

un instant à rire et il en oublie la brèche qu’il venait de créer en se laissant surprendre par la rapidité du soldat, se trouvant alors sans défense face au coup de poing qu’il lui assène. Dans une tentative désespérée, il tente d’esquiver sur le côté pour finalement se prendre le coup sur le côté droit du visage, éraflant sa joue au passage (et aussi sa fierté); il profite cependant de la proximité crée pour ainsi lui délivrer un coup de coude en direction du menton.