Rien ne vaut le sentiment d'être enfin chez soi. Depuis quelques moins, Felipe ne profite plus des siens. Il voyage beaucoup, seul le plus souvent, pour aider le Culte à garder leur coupe sur les fidèles. Sa mère lui manque, parfois, plus souvent qu'il ne veut l'admettre, mais c'est surtout cette fille qui hante ses pensées quand la nuit se lève. Une fois la belle blanche dans le ciel, il se demande où Lilwen dort. Sur une tombe ? Dans un cercueil ? Chez quelqu'un ? Il n'est cependant jamais inquiet, il sait de quoi cet enfant est capable - ce n'est pas une fille de Maria pour rien. Il l'apprécie vraiment et s'en est déjà voulu plusieurs fois d'avoir fait des rêves dans lesquels elle jouait le rôle principal.

Lilwen c'est l'étrange en humaine, c'est celle qu'on ne peut pas comprendre et qu'on ne veut pas comprendre. Elle perdrait son charme si l'on arrivait à mettre un nom sur ce qui l'anime, ce qui l'a rend si unique et belle. Car même si son visage est l'un des plus avantageux, c'est cette personnalité hors-normes que, malgré les prières et les supplications, Felipe n'arrive pas à oublier. Non pas qu'il ressent des choses pour elle, mais ça serait mentir de dire qu'elle ne lui plaît pas.
Plaire.
C'est pourtant un mot qu'il cherche à ne jamais connaître ou ressentir, il se force par tous les moyens possibles à ne pas apprécier les gens. Mais c'est dur, parfois, surtout avec celle qu'il ne peut s'empêcher d'écouter les yeux brillants. Des histoires folles, des dialogues avec les morts. Rien de cela l'intéresse, c'est sa sincérité, son authenticité qui attise une flamme à l'intérieur, une chaleur brûlante qu'il n'arrive pas à comprendre.

Ce soir, il sait où la trouver.
Le cimetière qu'il connaît plus que les autres, ce cimetière qui les rapproche plus qu'ils ne l'imaginent. De vieux ancêtres qu'ils partagent sont endormis ici, mais le secret est bien gardé et seule Peitho en connaît toute l'histoire. Le jeune homme s'avance, un morceau de pain dans la main, le visage un peu fatigué.
La mystérieuse est là, installée sur le dos, à même une tombe vieille depuis plus longtemps que leurs années réunies. Elle semble parler toute seule. Il l'observe un court instant, respire une bonne bouffée d'air avant de s'approcher.

« Bénis soient les trois, » il s'incline très légèrement, tendant le pain. Elle lui rétorque les quelques mots tant attendus, sinon l'estime risque de prendre une sacrée claque puis reprend la parole. Souriant. « Je t'ai apporté du pain, les sœurs m'ont dit que ça fait un moment que tu n'es pas rentrée. » Felipe n'est jamais généreux. Elle le sait ?