Regard furtif qui lit. Doigts qui glissent sur la surface lisse. Le papier possède ce bruit, si léger, si particulier. L'oreille attentive si on veut le capturer, Nicolai apprécie le silence de son bureau. La fenêtre fermée, empêchant les parasites de s'introduire dans ce lieu calme. Là où il range les documents importants, où il prend les décisions importants. Mais le bureau qui ne possède rien sur les titans ; alors une salle qu'il supporte, sans s'y passionner. Penché sur les derniers rapports, les ordres de mission, les requêtes du Major. Le seul ayant autorité sur l'esprit malade qui s'attardent sur les lignes. Qui fait valser les mots au travers les lunettes qui couvrent ses yeux d'une vitre si fine. D'un reflet si fort. Une protection qui ne lui sert pas réellement, en vérité, mais qui a le pouvoir magique de lui procurer une sensation de barrière entre lui, et les autres. Entre lui et le monde. Plonger dans une bulle ou il ne sera pas déranger.

Normalement.
Jusqu'à ce son.

Irritable. La porte en bois vibre, et la porte s'ouvre quand machinalement il autorise le visiteur à entrer. À foulé le sol de sa seconde antre. Nicolai n'est pas disposé à communique, ni même à tolérer une compagnie humaine ((quelle horreur lui crie sa tête)). Il relève néanmoins les yeux et reconnait Rafael. Ce qui est moins dérangeant qu'une autre recrue, qu'un autre soldat ou qu'un vulgaire collègue. Le commandant ferme son rapport, retire les lunettes sur son nez, mordille l'une des branches et soupire. « Quel bon vent t'amène Rafael ? » Rare militaire qui reçoit un ton si neutre, sans haine, avec moins de mépris. Presque une once d'attention. « Avec ton niveau, tu ne devrais pas t'amuser à te promener à la caserne, va plutôt t'améliorer. Les écuries pourraient avoir besoin d'un bon ménage, ça musclerait un peu tes bras... » si la remarque parait méchante, pour le coup elle ne l'est nullement. Nicolai éprouve assez d'estime pour le soldat, assez pour lui souhaiter d'évoluer. Ce dont pourtant, il n'en semble pas capable.

Des lunettes. Ça le fait rire intérieurement. Lui n'arrive pas bien à voir de loin et pourtant n'en porte pas. Trop jeune. Nico est déjà vieux. Trop vieux. Il écoute, muet d'abord, s'avance dans le bureau un air bien plus détendu que lorsqu'il s'approche d'un autre supérieur - c'est qu'il connaît Netherval depuis longtemps, avant même son premier jour dans les futures recrues. Mentor. Guide. Référence. Souvent on confondait les âges et les rôles, Raf semblait plus mature et moins juvénile que le mignon nicoco - mais une fois la comparaison faite, Netherval s'empressait de venir coller une claque sur la nuque de son dit élève. La bonne époque. Souvenirs peu nombreux mais moments uniques et marquants.

« C'est gentil de penser à mes bras, » Pousse la chaise, s'installe dessus, posture on ne peut plus élégante d'un roturier totalement banal. Jambes légèrement écartées, les bras sur les cuisses, les mains liées. « Mais je suis là pour te proposer quelque chose. Enfin vous. Enfin, Boss. » Sourire idiot, il s'installe d'avantage contre le dossier de la chaise tout en regardant la décoration du bureau. « J'ai fait mes p'tites corvées ce matin et avec les autres, on s'demandait si vous seriez intéressé à venir faire un peu de sport. » Repose son regard dans le sien, bien gentil, n'a jamais changé ; pourtant, dehors, hors de ses murs et de l'intimité qu'ils procurent, lorsque Nicolai vient parler, Rafael se tait. Obéissant, suiveur et dévoué, soldat commun qui ne cherche pas à se démarquer ou à montrer une quelconque relation 'amicale' avec Nico. Marque de respect. « Comme ça tu pourras voir l'état d'mes bras. » Perdu entre le vouvoiement et le tutoiement, loin de lui l'idée de taquiner le jeune homme. C'est qu'il s'y attarde pas trop, ne s'en occupe pas, ça sort comme ça et puis c'est tout.

Attitude insolente qu'il connait par cœur, sourire facile qu'il a côtoyé de si longues années et bêtises incessantes qu'il entends de sa bouche. Nicolai soupire, peut-être réellement agacé ou juste pour la forme allons savoir. Il ne s'offusque même pas de sa posture, de son comportement de paysan, de roturier. Alors que le commandant vient exactement du même district, qu'ils ont connu la même famine, à les regarder aujourd'hui on ne miserait un pas centime sur une enfance presque commune. Parce que le blond est droit, à cette manie des politiciens, ou des assassins, à se tenir tellement bien qu'on se demande comment c'est possible. Et parce que le brun sait encore d'où il vient, n'a pas perdu ses habitudes de gamin.

« Si toi et tes autres avez déjà fini ce que vous aviez à faire, c'est que je ne vous en donne pas assez. » Nicolai, commandant Netherval, l’infaillible, l'insensible, celui qui pourrait épuiser son escouade avec un nombre incalculable de tâches et d'entrainements pour ne pas avoir à les supporter. « En quoi est-ce intéressant, dis moi ? » pour ce qu'il en a à foutre, des soldats. Comme si faire du sport avec la race humaine pouvait vraiment convenir à cet être amer. À la limite qu'il supervise Rafael ne le dérange pas plus que ça, mais les autres parasites, à quoi bon perdre son temps avec eux. Alors qu'il pourrait aisément les laisser crever sur le champs de bataille. « Tu penses vraiment que tu as une chance de me convaincre à me coltiner ces parasites ? » certainement pas. Et Nicolai ne s'en cache pas. Tout le monde le sait.

Sourire aux coins des lèvres en entendant le supérieur parler. C'est qu'il donne plus qu'il ne faut donner à ses soldats, surtout que certaines tâches ne sont pas à faire par cette escouade. Mais en même temps, celle qui cherche des informations sur les titans ne sert à rien si les titans ne sont plus là. Rafael ne rétorque pas tout de suite, préfère lui offrir un sourire amusé. « T'peux sortir prendre l'air, des couleurs, être moins pâle » Geste nonchalant de la main pour le désigner, « Beaucoup disent que t'es tombé malade. » Il se relève enfin, confiant et motivé à réussir, claquant ses mains l'une contre l'autre. Le défis est simple, le ramener dehors. Rien que ça va lui faire gagner quelque chose. « Mais bon, j'veux bien essayer. Tu sors à quelle condition ? »

Prêt à tout pour réussir, pour qu'on lui accorde un sourire digne des vainqueurs - mais sait que la tâche s'avère très difficile. Nicolai est ce qu'on peut appeler un asocial. Il n'aime pas les gens. Peut-être qu'il ne s'aime pas lui-même. Il n'apprécie que ceux qui peuvent l'aider - et encore, apprécier est un bien grand mot. Rafael se sent privilégié, puis quand il se demande pourquoi lui, des réponses désagréables s'installent. T'es un mouton Rafy. Pourtant conscient de son plus grand défaut, il ne cherche pas à changer ou à s'affirmer - il est né comme ça et finira ses jours comme ça. C'est peut-être ce qu'apprécie Nico, au final. Qu'il rentre dedans sans se poser de questions pour après, que son avenir ne le stress pas, qu'il s'en fout. Une vie simple pour un garçon simple. C'est peut-être une bonne chose qu'il n'approche pas la haute sphère et qu'il reste ici, parmi ceux qui, un jour, seront des morceaux de viande à cheval.

Les mots résonnent avec candeur, il n'y a ni haine, ni amertume dans les paroles de son interlocuteur. Rafael, l'un des rares microbes à s'approcher sans être terrifié ; l'un des rares à accepter, apprécier, un virus aussi durement impliqué dans l'esprit du commandant. « Bien sûr, je peux sortir, mais être en contact avec vous ne me rendra aucune couleur. » il en serait tellement plus malade, en réalité. Nauséeux, rien qu'à l'idée de leur parler ; méprisant jusqu'aux souffles qui s'échappent de leurs bouches. « Laisse-les s'amuser à alimenter des rumeurs, ils n'en seront que plus déçus. » à tant espérer, il se réjouirait presque de briser tout ce qu'ils attendent.

Et d'un rictus presque indéchiffrable, Nicolai lève un peu plus les yeux, se demandant sans détour ce qu'un bon à rien tel que Rafael pourrait lui apporter. Il doute sans honte qu'il n'a rien à attendre d'un parasite ; quand bien même cet humain le dérange moins que les autres. Aucun attente, aucune envie, aucun moyen de le convaincre. Ce n'est pas comme s'il cherchait autre chose que les titans, dans sa vie, le commandant tyrannique. « Qu'as-tu à me proposer ? » existe-il vraiment un moyen que le plus jeune parvienne à offrir quelque chose d'intéressant ? Lasse, le blond ne s’attend pas à grand chose, bien qu'il reste attentif à ce qu'il pourrait donner.

On sent qu'il n'a pas trop envie d'aller avec eux, ni avec d'autres. Rafael l'a toujours connu comme ça, ultra solitaire, toujours dans la critique. Nicolai sait que sa place est à la fois au-dessus des microbes mais aussi hors de ces murs. Keller l'envie d'avoir une personnalité si forte et si dévoilée, si présente dans chacun de ses mouvements ; mais il ne souhaite pas avoir la même vie. Déteste la solitude. « T'es compliqué quand même. »  Malgré ça, le visage du blond s'habille d'un sourire. Léger, qualifiable de rictus, mais présent. Instant rare qui mérite d'être étalé sur un tableau, alors Rafael reprend confiance, y croit.
Il cherche des idées, des moyens.
Pas facile quand l'autre est compliqué.
« Bon alors ! » Marche dans la pièce, regarde autour de lui, caresse lentement sa barbe de quelques jours. Il ne peut s'empêcher de s'attarder sur quelques étagères et armoires, zieutant rapidement ce qu'elles cachent ou portent. « J'ai deux choses à t'proposer » Tout en parlant il se retourne, repose ses yeux dans les siens, malice sur toute sa face. « Si tu viens, j'te file des informations sur ceux qui t'posent problème, » gestes nonchalants des mains qui l'accompagne, « Et, vraiment, si c'est ce qu'il faut... », soupir léger, yeux qui roulent, « beh j'irais filer un coup de mains à la sixième escouade, t'façon les titans y en a plus donc bon.. Marché conclu ? »