Un réveil des plus désagréables pour lui briser le sommeil profond dans lequel elle était plongée. Ses yeux peinent à s’ouvrir et à s’ajuster à la nouvelle luminosité autour d’elle, dansante au rythme des nouvelles flammes. Elle grogne, la petite sœur, quand elle entend la réprimande de cette voix grave qu’elle n’avait plus entendu depuis des mois. Pourquoi ne pouvait-il pas juste une fois se montrer heureux de la voir ? Ses paumes frottant ses paupières, elle soupire de ce traitement injuste. « Même un réveil par la garnison aurait été plus agréable que le tien. » Sa joue picote légèrement, lui rappelle tous ces moments de jeunesse où il lui tapotait celle-ci dès qu’elle faisait une bêtise ou disait quelque chose qui lui semblait stupide. Taemin, éternel moralisateur. Elle s’étire, faisant craquer ses vertèbres et articulations par habitude et se relève, assise sur le fauteuil. Son regard perçant observe son frère s’asseoir à table. Il n’avait pas changé, ou peut-être que si. Il avait l’air un peu plus maigre que d’habitude, plus fatigué. Exténué même. La pitié qu’elle ressentit momentanément pour l’état de son frère, qui était toujours mieux que le sien ayant perdu une bonne quantité de masse de gras ces dernières semaines à cause de la diminution de nourriture en mission et des entrainements plus intenses, ne changea en rien sa déception.

Et comme s’il avait lu les pensées de sa sœur, pour venir y rajouter une couche de colère, les mots vinrent claquer son visage. Elle n’y croyait pas, quel culot. Il osait venir se plaindre du repas préparé, qu’elle avait cuisiné pendant deux heures alors qu’elle n’avait eu envie que de dormir ou se perdre dans les déboires de l’alcool dans un bar crasseux. « Tu te fous de ma gueule ? » Sa voix s’éleva, se brisa à mi-phrase de rage qui fit monter de légères larmes jusqu’à ses pupilles. Elle ne pleurera pas devant lui, elle n’avait plus dix ans. Mais son visage était témoin de sa colère. « Tu te prends pour qui ? Tu penses que t’as le droit de te permettre de critiquer un putain de repas de VIANDE que je t’ai ramené en suant du sang ? C’est toi qui est là en retard ! Qu’est-ce que tu foutais encore jusqu’à la tombée de la nuit dehors ? Hein ? Encore à chercher des excuses en baisant n’importe qui ? Mais tu te crois mieux que moi ou quoi mon gars ?! » Et la haine s’envenima, s’attaqua aux émotions. Eunmi déversa un flot de paroles qu’elle avait gardé pour elle-même pendant trop longtemps. Une rancœur qui s’était installée au fil des années, au fil de la soirée et du temps perdu. Elle n’entendit même pas les paroles qui contredisaient les siennes quand son corps se releva. « Laisse tomber en fait, je savais que j’aurai pas dû rentrer. » Son regard noir aux larmes caché n’essaya même pas de croiser celui de son frère quand elle disparu à l’étage du dessus pour se réfugier dans leur ancienne chambre commune.

Elle s’allongea sur le sol, le corps martelé contre le bois, le cœur battant à lui en donner le tournis. Un long soupir s’accompagna de quelques larmes qui se libéraient et traçaient un chemin au gré de ses joues. Depuis des années déjà, trop pour toutes les compter, elle savait qu’au final elle ne valait pas grand-chose aux yeux de la seule famille qui lui restait. Elle était restée attachée à lui, donnerait sa vie pour lui, à n’importe quel moment. Mais la seule chose qu’elle recevrait en retour ne serait que de l’égoïsme. Encore.