Un mauvais pressentiment qui serre le ventre en pénétrant dans l’église, immense, vitrée. Le seul endroit où il est autorisé à mettre les pieds, maintenant, car on ne juge pas les fidèles, on ne le regarde pas de trop près, étoffe remontée sur la tête pour cacher son visage. Il ne sait pas ce qu’il cherche, pourquoi il n’a pas prié ailleurs, à la caserne, même. Un espoir sûrement infime et absurde de recroiser Sœur Sitam. On murmure qu’après sa trahison, elle a voyagé de la tour d’Abandon vers le plus haut dans la foi des Trois. Mais au fond il sait que probablement jamais il ne la reverra. Ni elle ni tous les autres, les plus petits croyants comme les plus hauts fils de Maria. Les Trois lui ont tourné le dos alors que sa foi demeure infaillible.
Asmar passe son doigt sur les bancs au bois poli par le temps, dévore du regard les statues qu’il connait déjà par cœur. Sa peau se mêle à la lumière que laisse transparaître les vitraux. Tout est blanc, marbre vieilli mais gardé intact. Tout est silencieux, quand il s’assoit et ferme les yeux. Il ne lui reste qu’à prier, lui qui demeure pieux même quand le ciel s’obscurcit. Les Titans reviendront, les Trois ne les protègeront pas. Lui, oui.
Et puis, il reconnaît un pas, là-bas, en face de lui. Silhouette grandie par les années mais reconnaissable entre toutes.
Felipe.
Ça résonne dans son crâne, des souvenirs d’enfants, des adolescents idiots, des cris et des adieux qui n’en ont jamais vraiment été. Il ne l’a pas encore vu, il peut encore se cacher. C’était la seule personne qu’il n’espérait ne jamais recroiser.
Son souffle se retient automatiquement, mains liées capuche couvrant les yeux. Il compte les pas qui se mêlent à son chiffre intérieur, les secondes avant l’impact, tête basse regard éteint. Dix neuf huit sept six il avance il est trop près cinq quatre trois deux un il ne devrait pas être là. Il devrait se lever. C’est trop tard maintenant. Il garde la tête baissée.