Arthur est seul à l’intérieur des quatre murs qui respirent sa présence évaporée. Il s’est évanoui son parfum fleuri, depuis longtemps remplacé par la senteur lourde et étouffante de la maladie. C’est la première chose qu’il a faite quand elle est partie, il a ouvert en grand les fenêtres pour laisser la brise s’emparer des derniers restes des moments d’horreur. Pour se défaire de la présence de la mort qui imbibait les murs, les tissus, jusqu’aux draps qui entourent son corps maigre, dans ses nuits d’insomnie. Et malgré tous ses efforts, toutes ces heures passées à faire revivre la maison en l’astiquant de fond en comble pour ne respirer que l’odeur entêtante du propre, de l’aseptisé, elle est toujours là. Ou plutôt c’est le fait qu’elle n’y soit plus qui se fait sentir sur ses épaules encore plus. Parce qu’après avoir mis toute son énergie à essayer de réduire son absence écrasante, il n’y a plus rien à faire. Et c’est dans le silence qu’elle se fait le plus entendre, la solitude. C’est dans ses muscles échauffés, c’est dans son coeur las, c’est dans sa respiration qui emplit toute la pièce. Le seul bruit c’est celui de la rue, rien d’autre. Il entend encore, illusion fantôme, sa respiration souffreteuse qui accompagnait ses journées et ses nuits. Il pourrait fuir la pièce, se réfugier dans la bibliothèque, mais elle a fermé. Malgré lui, enfermé dans son propre souvenir prison, il devient le gardien de son supplice, se complaisant presque dans la perte. Il se prélasse dans la moiteur de ses larmes qui glissent doucement le long de ses joues parcheminées par la fatigue. Il goûte à sa solitude avec ce dégoût des habitués qui détestent leur drogue comme ils la chérissent. Enfermé il l’est dans sa tête, en malheureux qu’il se fait. Parfois il sort, pour travailler, pour aller s’asseoir sur la dalle froide qui recouvre son corps allongé et immobile pour toujours. Il lui murmure des choses qu’elle n’entend pas. Il se murmure des choses qu’il n’entend pas. Et quand il rentre, il s’enroule dans ses draps et ferme les yeux, forts, mais il voit toujours son visage, avant la maladie, avant la mort. Et c’est sous son regard de tendresse qu’il s’endort enfin. Arthur est seul à l’intérieur des quatre murs, dans sa chambre, allongé sur son lit, la tête tournée vers le mur, quand il entend la porte d’entrée qui s’ouvre et des pas qui battent sur le carreaux. Il se redresse d’un bond, et dévale l’escalier étroit. Son regard est froid, ses yeux rouges, son visage livide, ses lèvres gonflées. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Arthur ne fera pas dans la politesse aujourd’hui. Il reste au fond de la pièce, à observer l’envahisseur, comme un animal farouche, près soit à s’échapper, soit à sauter sur l’agresseur. « Il n’y a plus rien pour toi ici. » Et si sa voix est rauque, et si elle s’effondre un peu à la fin de la phrase, il s’en fout.