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la patience qui s'effile, s'efface ; comme les pétales d'une fleur sauvage, les elle m'aime un peu, beaucoup, qui se murmurent entre deux caresses sur le pelage délicat de bastet alors qu'elle attend la démarche inconnue d'une jeune fille dont elle a tout vu mais dont elle ne sait rien – un nom, certes, mais que fait-on avec cela ces jours-ci ? ils n'ont aucune signification, aucune valeur, ne sont que matérialisation d'un passé-boulet, accroché aux poignets ou aux chevilles, enfants forçats qui portent le fardeau de leurs parents. la dernière lettre était d'une violence exquise ; rien n'est plus amusant que l'animosité d'une jolie fille dont les pensées sont bafouées par des pensées impures. ne serait-ce qu'une envie qui bat en rythme avec un cœur irrégulier, un sourire qui se dérobe à une poigne de fer sur un être gouverné par les obligations. tous les mauvais mots du monde ne gommeront pas les touches de rouge sur les joues de kaethe quand les yeux océans de narcisa ont lavé sa silhouette ; l'enfant est peut-être ennui et oisiveté, la riche des pauvres, le caprice d'une sainte, il n'empêche qu'elle a vu et qu'elle sait. il n'empêche qu'elle a la main et qu'elle n'aura jamais aucun scrupule à jouer. ainsi reste-t-elle à semi-allongée, narcisse posé délicatement à son côté tandis que bastet s'enroule autour de ses doigts, son ronronnement incessant la seule preuve de leur présence dans les environs. peut-être aurait-elle dû étendre les mets qu'elle a volés et ceux qu'elle a faits ; peut-être aurait-elle dû laisser sa couronne de fleurs sauvages à la maison ; peut-être aurait-elle dû mettre une autre robe. et si kaethe ne se présentait pas ? et si narcisa s'était trompée sur toute la ligne et qu'on venait de lui voler toutes ses cartes ? et si ? la panique n'est pas grande / ne dure pas, puisque le miaulement désintéressé de bastet vient l'arracher à ses sombres pensées. sourire délié qui attire les coins de ses lèvres vers les hauteurs alors qu'elle attrape la boule de poils pour la poser sur ses genoux, comptant les secondes qui la séparent de sa retrouvaille avec la fille de la rivière.

terrifiée, les gouttes de sueur perlent sur ton front. ton corps qui s’agite, transi par les pulsations qui le parcourent tandis que tu t’agrippes aux draps, inconsciente de la réalité fantasmagorique dans laquelle tu respires. battements saccadés, tu vois des ébauches de son visage. (une étrange constellation de portraits qui ne lui ressemblent en rien, et pourtant, tu en as la certitude, c’est elle, la fille de la rivière, celle qui hante tes nuits et tourmentent ton coeur.) et du bout de ses doigts, elle parcourt ta peau, éthérée, partie en fumée au moindre toucher. tu es légère, spectrale, éphémère sous son amour qui te submerge. amour non-désiré, tu peines à ne pas y répondre, des feulements qui exsudent de tes lèvres affamées. et puis, lumière. ta chambre virginale plongée dans les lueurs de l’aube, soleil pesant qui te brûle, ta main qui vient cacher ton corps dénudé des étoffes. la pudeur te saisit. et tu rougis, comme si le monde entier te pointait du doigt pour se moquer, te dénigrer, hurler au péché. ce matin-là, tu es allée parler aux déesses, espérant peut-être qu’elles n’aient eu bruit de l’oaristys chimérique.
une fois t’a suffit pour comprendre le jeu préféré de narcisa. et si elle s’amuse tant à lire les pensées, toi, tu es sa victime préférée. la rencontre promise dans les lettres ne te semble plus possible alors que la paranoïa s’éprend de toi, la peur qui coule dans tes veines, ta fierté mise à mort dans l’intimité de ses bras. ce n’était qu’un rêve. juste un rêve. et pourtant, comme si elle t’avait ensorcelée, tu quittes mitras à peine une heure plus tard. le claquement des sabots raisonne dans ton être tout entier alors que tu t’éloignes de chez toi, convaincue de commettre la plus grande erreur de ta vie, probablement. les affaires d’armée et de promesses ensanglantées, futiles à côté de ce qui te déchire désormais. (c’est la preuve que tu n’es qu’une gamine à fleur de peau, encore sensible au jeu des sentiments. ta crainte de l’interdit, témoignage de la candeur que tu caches tant.) doucement, le paysage de la campagne désolée se dessine sous ton regard distrait. les maisonettes, le ciel, noyé dans les nuages épais, les petites gens, curieux de ta présence qui fait tâche. et enfin, la rivière. la rivière et narcisa, baignée de lumière.

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elle l'entend arriver ; ses pas, légers, qui appellent à la comparaison avec un fauve. nul doute que si kaethe n'était pas femme, elle serait prédateur, monstre, canines si longues et étincelantes que tous les yeux fascinés se tourneraient vers elle avant de se faire dévorer. et il faut croire que narcisa n'a jamais eu aucun mal à trouver de la beauté dans la plus terrible des choses ; mort et massacre n'ayant dans sa gorge que le goût de délices sucrés. on raconte que narcisa pourrait vous vendre le monde en feu et en sang, vous faire payer pour du vent – – il est vrai qu'elle a l'abominable manie de tourner faits divers en tragédies, les vers s'échappant de ses lèvres dans une mélodie d'un temps passé. nymphe, au bord de la rivière, diane qui se dérobe aux regards inquisiteurs, qui se pense seule au monde, qui s'offusque de l'attention. parce qu'aujourd'hui, juste aujourd'hui, elle est à une autre. ( juste aujourd'hui. ) le corps détendu et les yeux brillants, son sourire se fait paresseux – comme si elles avaient tout le temps du monde. ce n'est pas vrai, bien entendu. dès le lendemain, narcisa sera de retour à essuyer les critiques de ses pairs, les demandes en mariage qui ne valent rien. elle continuera à charmer son prochain avec le désespoir de quelqu'un qui n'a rien à perdre, toujours prête à tout pour obtenir et amasser, terrifiée à l'idée de manquer, de plus être, de n'être qu'à moitié. ( de se faire pâle, puis copie, puis oubliée. ) ❛     kaethe. je n'étais pas sûre que tu oserais te montrer.     ❜  la façon qu'elle a de le dire ; ton mielleux presque collant ( étouffant ), terriblement sucré et délicat. nul doute qu'elle est heureuse avec la finalité, surprise et enjouée de retrouver la fille de la rivière. ❛     est-ce que tu as apporté quelque chose à grignoter?     ❜

la manière dont elle te tutoie, presque insolente. elle a beau être ton aînée, c'est comme une gamine que tu la vois, encore et toujours. bien plus enjouée que toi, ton air grave te donne quelques années supplémentaires qui viennent alourdir tes épaules. alors qu'elle, elle rayonne. la vie doit être bien plus simple pour les petites gens, tu te dis. il n'y a pas d'histoire de nom, de mariage, de déception. (c'est ainsi que tu l'imagines, sa vie. paisible. loin de t'imaginer que vos journées ne sont pas bien différentes, vos inquiétudes, les mêmes, le soir lorsque vous vous couchez. l'angoisse de rencontrer le prochain promis, la gorge nouée par la peur de ne pas suffire, l'inquiétude d'une liberté refoulée). tu secoues la tête en réponse à sa question, tu n'y avais même pas pensé. "je ne compte pas rester longtemps, ce n'était pas nécessaire de toute façon." et tu fixes l'horizon. tu observes le vent qui vient effleurer la surface de l'eau, l'onde qui danse, petites vaguelettes qui se dessinent et disparaissent, d'un rythme serein. anxieuse de lui faire face à nouveau, tu regrettes ta venue. c'était une erreur. tu t'es pliée aux caprices d'une gamine en manque de divertissement, ennuyée par la vie à la campagne. ou peut-être bien que tu aimes sa présence, que tu t'es volontairement laissée aller à son jeu. peut-être que tu as voulu ressentir chaque once de cette honte. sentir la timidité te transir. te perdre dans l'instabilité des morts durs, vociférés puis susurrés au creux d'une oreille qui voudra bien les entendre. et avant qu'elle ne prononce un mot, tu interviens à nouveau. "j'ai quelque chose pour toi." d'une mimique qui trahit ta gêne, tu viens frôler ton visage de la main, comme pour satisfaire une démangeaison nerveuse. "j'ai, mhm.. trouvé ça. je sais que c'est étrange.. j'imagine que c'est une femme aisée de mitras qui a perdu ça, sur la route." et tu sors de ta sacoche le collier de rubis et de grenats, tendant la main vers narcisa. (trop de distance entre vous pour qu'elle l'attrape, elle devra se lever pour poser la main sur le bijou orné de pierres précieuses. tu ne lui mâcherais quand même pas tout le travail.) "je me suis dit que ça pouvait vous aider, toi et ta famille. évidemment, je n'en ai pas besoin. et puis, ça ne m'intéresse pas, ces superficialités." et tu te râcles la gorge, l'air désintéressé. comme si tu n'avais pas choisi ce collier entre des dizaines, rien que pour elle, elle et son ego surdimensionné. comme si tu ne cherchais pas à flatter la gamine que tu t'imagines sensible à ces attentions luxueuses. "tu n'as qu'à le vendre." et tu reposes ton regard sombre sur elle, d'apparence déterminé, de nature interrogatrice, curieuse de savoir ce qu'elle en pensera.

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