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Les cauchemars sont comme les promesses, tout le monde en fait mais quelques-uns oublient. Le brouillon est encore froissé dans la doublure de son uniforme, la finale envoyée à celle qui fait chavirer les cœurs d'un regard, celle qui baume le sien d'un sourire. Muet comme la tombe de sa sœur, pourtant tous les mois recouverte de ses larmes, il s'avance en direction de l'endroit tant aimé des deux amis. Promesse de venir tenue, il n'avait pas anticipé le mauvais rêve de cette nuit. Installé sur un banc de bois, fait de mains d'enfants, l'attention portée au reflet de l'astre nocturne dessiné sur une rivière aussi calme qu'il l'est, Rafael attend. Espère qu'il n'est pas oublié, toujours présent dans l'esprit de celle qui ne pense jamais aux autres - ou très peu, qui peut savoir hormis la jolie fille qui s'avance et dont le reflet, comme jaloux d'un regard qui ne soit pas sur lui, vient cacher la mariée accompagnée de ses mille et unes étoiles. Alors qu'il relève la tête, sourire léger sur le coin des lèvres, il ne peut s'empêcher de la contempler. Belle. Éclatante. Inoubliable. Sœur improvisée malgré lui. Si sa rencontre avec Narcisa n'était pas liée à un souvenir aussi douloureux qu'une perte ; peut-être serait-il tombé en amour, et leur relation aurait été toute différente. Moins agréable, moins douce. Plus triste. Bienheureusement pour lui, la belle n'est pas dangereuse, quoiqu'un tantinet sauvage. Incapable d'avoir une emprise sur elle, pour la protéger des voraces, il s'impose de sermonner l'enfant à ses faux pas. Un frère aux yeux de la louve qui n'est pas, assure-t-elle, effrayée des loups, et aux siens, une amie qu'il refuse de perdre. Relation complexe, imbibée de l'ambiguïté d'un trio qui de nature n'a la forme que d'un duo - Rafael n'imagine plus sa vie sans elle. Narcisa incarne ce moment de douceur, de famille que tous les soldats rêvent en retournant chez eux le temps d'une nuit ; mais au diable les draps qui se tordent sous les caresses et les peaux qui renferment des plaisirs soupirés, rien de cela pour eux hormis des journées racontées et des gueulantes poussées. Ils se disputent, souvent, puis se réconcilient dans l'heure. Les caractères qui s'opposent mais un amour certain qu'ils se portent - jeune Kuhn qui possède un cœur et vieux Keller qui ne s'empêche pas d'aimer. « J'suis content de voir que tu lis mes lettres, » Il la regarde se rapprocher, une odeur légère émane de son corps, de sa peau ou de ses cheveux, d'elle. Véritable sorcière qui peut s'offrir qui son être désir. « J'ai cru que tu n'allais pas venir. » Pourtant, il ne la regarde pas, fixe l'eau, pensif. Une fois parti, sera-t-elle de ceux qui vont le pleurer ?

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Même s'il l'apprécie plus qu'il ne faut, Narcisa reste d'avantage une amie qu'une priorité. La journée est réservée à ceux dont la place est bien trop importante dans son cœur - et même si la jolie Kuhn s'y trouve également, il lui consacre sa dernière nuit. Il est important qu'elle ne se pose pas de questions, car dans la nuit les adieux sont plus simples ; le soleil, lui, s'amuse à souligner la route empruntée, les traces laissées. Et le soleil ne l'incite pas à imaginer les traits de Solla lorsqu'il regarde les siens. Evidemment, il s'attendait à cette réponse, princesse qui ne cherche pas à lire ou bien tête en l'air qui oublie. Ça ne l'offusque pas, habitué. « T'es pourtant en retard. J'espère que Bertie va mieux que la dernière fois. » Dernière fois qui remonte à un mois ou deux. Ça fait longtemps qu'il n'est pas revenu. Il ne souhaitait pas décevoir le désir de l'enfant qui se trouve dans la sacoche à ses pieds. Rafael observe son reflet maintenant qu'elle regarde le même point que lui. Il laisse un sourire s'installer sur son visage, plus doux, plus heureux que tous ceux qu'il avait avant ce moment - car dans la voix de l'enfant, la sincérité loge maîtresse. Un instant qu'ils partagent et qui se veut agréable, mémorable. Il ne raterait ça pour rien au monde. Elle réclame finalement son cadeau, souvenir d'une de ses expéditions, fleur sauvage aux couleurs déroutantes - élevée avec la pluie d'en dehors des murs, n'a jamais connu l'amour d'une fleuriste ou encore l'eau d'un arrosoir. Elle vient peut-être de loin, d'une zone encore inexplorée mais son destin était de finir entre les doigts de la jolie Kuhn. Glisse sa main dans la sacoche pour la sortir, elle va tenir jusqu'à la prochaine. « J'ai pas su trouver ce que tu voulais, mais... » Keller lui offre, relevant ses yeux vers ses cheveux puis les siens - « J'ai su mettre la main sur ça. » Pas totalement délicat, une feuille est pliée. Si Narcisa peut donner de l'amour à des animaux errants, la plante ne risque pas de déranger.

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